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Return to Equinoxes, Issue 11: Printemps/Été 2008
Article ©2008, Josh Blaylock and Allison Fong

La maison Rochambeau, dans laquelle se situe le Département d’Études Françaises, reflète certaines des dynamiques entre l’architecture et la littérature que nous voulions explorer pendant notre colloque 2008, « Architectures », dont ce numéro est une extension.   Grâce à une propriétaire qui a refait l’intérieure de la maison avec des matériaux importés de France, on a l’impression, en pénétrant dans le foyer, d’entrer dans un véritable château français.  En effet, franchissant le seuil de la maison,  il semble que nous entrions dans un espace liminal.  Nous avons non seulement traversé l’énorme distance entre l’Europe et l’Amérique mais aussi remonté le fleuve du temps.  Le pouvoir quasi-magique des pierres, du bois et du verre, à nous transporter ainsi semble révéler plus sur nous-mêmes que sur les objets qui nous entourent.

À partir de notre observation du pouvoir de l’architecture sur notre perception, nous avons tourné notre regard vers la littérature et nous avons vu à quel point  le discours littéraire est imprégné des métaphores architecturales.   Nous ‘construisons’ un argument, un poème, une histoire.  Nous ‘édifions’ nos histoires et notre poésie avec des ‘ornements’ rhétoriques.  L’architecture et la littérature se parlent.  Comme l’a brillamment exposé notre conférencier d’honneur, Edwin Duval, lors de notre colloque, les écrivains de la littérature renaissante française, comme Du Bellay et Ronsard, se sont servis des métaphores architecturales de l’Antiquité afin d’enrichir leur projet nationaliste littéraire, dont l’Ode 3 :30 d’Horace est un exemple capital :

Exegi monumentum aere perennius
Regalique situ pyramidum altius,
Quod non imber edax, non Aquilo impotens
Possit diruere aut innumerabilis
Annorum series et fuga temporum.

J’ai achevé un monument plus durable que l’airain,
Plus haut que la structure régalienne des pyramides,
Que ni la pluie dévorante, ni le vent du nord non réfréné,
Ou l’innumérable série d’années, ou la fuite du temps,
Ne peuvent le détruire. 1 

            Horace vante le pouvoir de l’écriture, qui paraît le plus éphémère, de devenir un monument qui vainc le temps.  L’écriture peut devenir ainsi un édifice éternel.  Décrivant le projet nationaliste de la Pléiade dans sa Défense et Illustration de la Langue Française, Du Bellay se sert des métaphores de l’architecture afin de revendiquer le pouvoir de son français.  Le poète français doit prendre ses outils de massons et commencer à ériger un autre édifice qui égalera les langues classiques.  Il fallait donc refaire la langue de la Nation Française naissante afin de créer une langue française poétique et littéraire, voire écrite, qui prendrait sa place logique dans la marche historique des langues dignes du statut immortel. 

Le rapport entre littérature et architecture change à mesure que le sujet moderne se développe.  Ce dernier a surtout  une nouvelle sensibilité vis-à-vis de l’architecture urbaine.  Dans le poème « Le Cygne », par exemple, Baudelaire traduit bien les sentiments et les enjeux de l’Haussmannisation dans la ville de Paris.  On peut se demander ainsi : Comment la modernité réinvente-t-elle l’architecture dans l’imaginaire ?  Que devient l’architecture si elle se distancie du support vanté par les écrivains comme Du Bellay et Horace ?  Avec la ‘réinvention littéraire’ du XXe siècle, que représente le surréalisme ou le nouveau roman ?   Quels sont les tropes architecturaux en faveur pendant certaines périodes ou époques ?    Ces mouvements et ces genres remettent-ils en question notre relation avec l’architecture ?  Pourquoi la critique moderne et post-moderne se servent-elles des métaphores et des exemples architecturaux, tel le panoptique de Foucault ou le labyrinthe de Derrida ?  L’architecture sert-elle de miroir sur lequel nous projetons nos propres phantasmes ?

Les articles dans ce numéro témoignent de la diversité et la richesse des approches proposées par les intervenants lors de notre colloque, ainsi que des nouvelles analyses.  Ils explorent les liens entre littérature et architecture,  entre architecture et pouvoir, entre écrivain, lecteur, architecte, promeneur.  Nous espérons que les articles présentés ici serviront de premières pierres posées dans l’édification d’autres avenues d’enquête.

 

1 Horace, The Odes, ed. Kenneth Quinn (London : Bristol Classical Press, 1980) 92.
Traduction par Josh Blaylock .